Rencontre entre le social et la santé : les inégalités sociales et le positionnement des acteurs

Le Groupe des sept (tous membres du CREMIS) est également auteur de ce texte. Ce groupe est composé de : Estelle Carde (professeure, sociologie, Université de Montréal), Philippe-Benoit Côté (professeur, sexologie, UQAM), Sylvie Gendron (professeure,  sciences infirmières, Université de Montréal), Nadia Giguère (chercheure d’établissement, CREMIS/CIUSSS-CSMTL, professeure associée, anthropologie, Université de Montréal), Philippe Karazivan (médecin, UMF Notre-Dame CIUSSS-CSMTL, Faculté de médecine, Université de Montréal), Jean-Baptiste Leclercq (chercheur d’établissement, CREMIS/CIUSSS-CSMTL, professeur associé, sociologie, Université de Montréal), Sue-Ann MacDonald (professeure, service social, Université de Montréal).  Cette version réduite du texte original a été mise en forme pour le Revue du CREMIS par Christopher McAll.

Comment intégrer la santé et le social dans la réflexion sur les inégalités sociales dans des services sociaux et de santé en première ligne? Sept membres du CREMIS et deux professionnels de recherche, provenant de six disciplines différentes, ont été mandatés par l’assemblée des membres pour tenter de répondre à cette question. Pour mener ces travaux à terme, le CREMIS a reçu un soutien financier de la part de la Faculté de médecine et du Vice-rectorat à la recherche, à la création et à l’innovation de l’Université de Montréal.

Parmi les travaux de ce groupe effectués en 2015, dix-neuf entretiens portant sur les inégalités sociales ont été réalisés avec des praticiens, gestionnaires et chercheurs membres du CREMIS (note1). L’analyse des entretiens fût orientée par les questions suivantes : Y-a-t-il une compréhension des inégalités sociales propre à chaque catégorie d’acteurs? Dans quelle mesure la position professionnelle dans le champ de la santé et des services sociaux façonne-t-elle la conception des inégalités sociales? Quel pouvoir d’action ces différents acteurs s’attribuent-ils vis-à-vis de ces rapports sociaux inégalitaires et de leurs impacts sur la santé ? Dans le texte qui suit, les points de vue des praticiens, gestionnaires et chercheurs sur ces questions sont abordés à tour de rôle.

Les praticiens

Globalement, les praticiens rencontrés se positionnent à l’échelle de la relation qu’ils entretiennent avec des personnes vivant des difficultés sociales, de santé physique et mentale ou encore des discriminations dans l’accès aux soins. Les dimensions physiques de la santé et les situations matérielles des personnes sont mises de l’avant. Les praticiens évoquent un ensemble de facteurs qui expliquent que certaines populations ont une moins bonne santé et que l’accès à des soins de santé peut être difficile. Les causes sociales, voire collectives, des inégalités sociales sont appréhendées essentiellement par l’intermédiaire des dimensions physiques ou médicales : les inégalités sociales telles que vécues dans le corps des personnes. Ces intervenants – agissant davantage sur la maladie et les comportements néfastes – sentent qu’ils ont peu de prise pour agir sur le social, ce qui peut produire une certaine frustration ou un sentiment d’impuissance.

Pour compenser l’impact des inégalités sociales, qui se traduit, entre autres, par un plus faible accès aux services de santé, certains praticiens parlent de la mise en place de pratiques «invisibles». Il s’agit d’« assouplir » ou d’« adapter » un système qualifié de «rigide» et qui tend à exclure certaines personnes. Par exemple, un médecin donne des exercices de rééducation physique qu’une personne peut faire à la maison, parce qu’elle n’a pas accès à des assurances privées et à la physiothérapie, tandis qu’un autre fait valoir que des circonstances particulières peuvent justifier la non-fermeture d’un dossier, malgré la non-présence de la personne à un rendez-vous. Selon ce dernier, certaines personnes ne se présentent pas à leur rendez-vous parce qu’elles sont désorganisées, vivent des situations particulièrement éprouvantes ou sont difficiles à rejoindre.

L’autonomie et la marge de manœuvre des intervenants semblent être des éléments cruciaux permettant à leur pratique de se déployer, en augmentant leur pouvoir d’agir. Certaines de ces pratiques peuvent être coercitives (recours à la Loi P-38, mise en place d’un régime de protection) et même stigmatisantes (donner un diagnostic de santé mentale, par exemple), mais n’en semblent pas moins nécessaires pour la santé et bien-être de la personne et pour lui faciliter l’accès aux services.

La pratique serait différente selon l’origine sociale des personnes. Par exemple, certains intervenants adaptent leurs pratiques en fonction de la classe sociale des personnes : l’intervention auprès des personnes de la classe moyenne ou supérieure (décrites comme ayant plus d’outils, de formation, de persévérance et d’accès aux services) diffère de celle auprès des personnes qui subissent des inégalités dans l’accès aux soins. Dans ce dernier cas, on choisit les rejoindre par des pratiques spécifiques ou adaptées, sous la forme, par exemple, de l’outreach, ou par une intervention comme Bien dans mes baskets qui combine sport et travail social, tout en offrant un accompagnement spécifique, voire un encadrement plus serré.

Un des praticiens rencontrés s’interroge sur la manière de tenir compte des inégalités sociales dans les plans d’intervention, ainsi que sur les éléments à consigner dans les dossiers et sur le langage à utiliser. Il donne l’exemple des travailleurs sociaux qui possèdent une bonne connaissance des facteurs environnementaux influençant la situation de la personne, mais qui n’en rendent pas compte dans leurs notes, alors que ces facteurs sont cruciaux pour comprendre la situation.  Certains d’entre eux vont également adopter un langage plus médical que social, comme si les éléments sociaux ne comptaient pas dans l’évaluation.  Ceci s’explique peut-être par un manque de vocabulaire pour bien exprimer et faire valoir le poids de ces éléments sociaux. Plus globalement, cela pose la question suivante : comment faire apparaitre à la fois le milieu et la personne dans le dossier et comment montrer de quelle manière le milieu affecte la personne ?

D’autres questions ressortent de ces entrevues avec des praticiens membres du CREMIS. Considérant les conditions de vie difficiles des personnes qui sont sujettes aux inégalités sociales, on peut se demander ce qui relève d’un problème «normal»– par exemple, le mal de tête de quelqu’un qui en a trop sur les épaules – et ce qui est pathologique. Jusqu’où faut-il accompagner les personnes vivant dans de telles conditions ? Quelle est la responsabilité du réseau de la santé et des services sociaux dans la réduction de ces inégalités sociales ? Par exemple, est-ce que le barème élevé à l’aide sociale pour «contraintes sévères à l’emploi» telles que déterminées par un médecin, améliore la santé ou contribue aux comportements néfastes ? Face aux conditions de vie difficiles des personnes, comment l’intervenant peut-il établir, puis préserver le lien de confiance dans la relation d’aide ou de soin ?

On parle d’un contexte de soin marqué par une certaine urgence, un manque de temps et la difficulté d’agir sur toutes les dimensions de la vie de la personne, en raison de l’approche par programme ou en silo. Il ressort de ce constat l’importance de la collaboration professionnelle au sein de la première ligne ainsi que de l’arrimage avec les professionnels des autres secteurs. On croit que le dialogue avec ces autres professionnels et les pratiques interprofessionnelles permettraient le décloisonnement des approches. Par exemple, les liens entre travailleurs sociaux et médecins permettent l’échange d’informations, de travailler de concert, de renforcer leurs messages respectifs à l’endroit des personnes aidées. La collaboration interprofessionnelle peut aussi alléger le fardeau que représentent certains dossiers ou la frustration ressentie parfois par les intervenants.  Cela dit, malgré ces notes positives et constructives, il ressort de l’analyse des entrevues avec ces praticiens un sentiment d’impuissance (face aux personnes) et de frustration (face au système).

Les gestionnaires

Les gestionnaires rencontrés s’interrogent sur l’organisation des services à mettre en œuvre pour mieux répondre aux besoins spécifiques des populations touchées par les inégalités sociales et favoriser un accès égalitaire aux services. Comment prendre en compte l’environnement global de ces personnes et situer l’intervention dans cet environnement ? Les actions exigent une bonne connaissance de la population du territoire, en se dotant de portraits détaillés et de données statistiques à jour. Le CSSS Jeanne-Mance (maintenant intégré au Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux  du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal), dont le territoire comprend plusieurs groupes de la population vivant des rapports sociaux inégalitaires, a mis en place des programmes et des interventions adaptés à ces populations. Par exemple, des pratiques de soins infirmiers plus adaptées ont été développées dans un centre d’hébergement où les résidents sont en contact avec la réalité de la consommation de drogues et de la prostitution, lesquelles caractérisent le quartier environnant, ou encore des pratiques de proximité mises sur pied par l’équipe itinérance, une équipe multidisciplinaire de première ligne.

Les réflexions des gestionnaires portent notamment sur l’organisation des services de première ligne, et sur les ponts à établir entre la première et la deuxième ligne. Comment mieux prendre en charge les « cas complexes »? Comment assurer l’accès aux services au moment où le réseau de la santé et des services sociaux est visé par une réforme centrée sur les hôpitaux et le curatif? Ils s’interrogent également sur la collaboration interprofessionnelle (comment réorganiser des équipes multidisciplinaires intégrant des professionnels sociaux et de la santé), ainsi que sur les politiques sociales et les données sur lesquelles s’appuyer pour organiser les services. Enfin, ils s’interrogent sur les indicateurs de performance et l’évaluation des services à mettre de l’avant. Par rapport à l’évaluation, ils sont imputables pour la responsabilité populationnelle qu’ils assument sur la base d’objectifs chiffrés, dans un contexte de coupes budgétaires, d’équipes incomplètes et de l’augmentation du ratio intervenants-population, ce qui leur fait vivre une pression notable.

Le rôle des gestionnaires est de soutenir les intervenants œuvrant au sein de leurs équipes, ce qui requiert la connaissance ou la mise sur pied de cadres de référence pour les pratiques et l’arrimage des différents regards disciplinaires. Certains gestionnaires se sentent isolés pour affronter ces enjeux et considèrent qu’il y a un manque d’espaces collectifs pour questionner les finalités de l’intervention, en lien, par exemple, avec l’engagement des personnes dans leurs soins, l’augmentation de leur participation sociale et l’amélioration de leur santé. Par ailleurs, des gestionnaires estiment avoir un réel pouvoir d’influence sur l’avancement des dossiers et l’organisation des services : il faut savoir saisir les opportunités pour se faire entendre, sensibiliser, mobiliser, et pour comprendre là où il est possible d’acquérir une marge de manœuvre susceptible de faire avancer la réflexion et l’action. Pour certains gestionnaires, l’approche par programme apparait comme un obstacle à la flexibilité que requiert la diversité des besoins des personnes. Cette approche par programme semble d’autant plus limitative que les personnes ne font pas face, dans leur vie, à cette division, théorique, de la santé et du social.

Les gestionnaires sont aussi soumis à des exigences d’optimisation de l’organisation des services et des processus cliniques, exigences nécessitant des indicateurs leur permettant de comptabiliser et d’évaluer les interventions. Ces indicateurs sont fondés le plus souvent sur les dimensions physiques de la santé, et tiennent peu compte des interventions psychosociales de groupe ou collectives. Aussi, lorsqu’ils réfléchissent à la lutte aux inégalités sociales, les gestionnaires notent qu’il faut évaluer les programmes et les interventions pour préserver les actions qui fonctionnent, tout en développant des critères qui tiennent compte de la complexité de l’intervention et du contexte dans laquelle celle-ci se déroule. Que seraient des indicateurs de suivi ou d’évaluation à même de rendre compte de leur pratique? Une gestionnaire suggère de réfléchir au continuum de services (intensité et type de services à offrir selon les besoins des populations). Une autre fait valoir que chacun est potentiellement vecteur d’inégalités sociales à sa propre échelle et notamment dans ses relations de travail et dans les priorités qui s’établissent dans l’organisation du travail.

Les chercheurs

Les discours des chercheurs du CREMIS interviewés font apparaitre deux postures vis-à-vis des inégalités sociales. Dans un premier temps, ils soulignent l’importance de comprendre les inégalités sociales dans un contexte sociétal (et non simplement du point de vue des individus et des services qu’ils reçoivent) avant même toute action pour transformer ces inégalités. Dans un deuxième temps, ils mettent l’accent sur la recherche appliquée et l’étude des pratiques mises (ou à mettre) en place pour pallier certaines difficultés vécues ou conditions de vie particulières. Dans le premier cas, il s’agit de la recherche fondamentale, sans application pratique proprement dite. La démarche de recherche est fondée sur la distanciation vis-à-vis de l’action, sur la nécessité de réfléchir sur les pratiques, permettant de faire apparaître le social «derrière» les individus (la «désindividualisation»). Dans cette compréhension large des inégalités sociales, les chercheurs contextualisent les pratiques développées par rapport aux politiques sociales et aux enjeux structurels, telle que la répartition des revenus.

En ce qui concerne la deuxième position – la recherche appliquée et l’étude des pratiques – l’opinion des chercheurs rejoint celle de certains gestionnaires : une trop grande attention portée aux pratiques professionnelles peut avoir pour effet de surresponsabiliser les intervenants. À leurs yeux, la recherche fondamentale – qui inscrit la compréhension des pratiques dans un cadre social plus large – contribue à diminuer le poids de la responsabilité de l’action contre les inégalités sociales qui pèse sur les épaules des intervenants. Cependant, certains soulignent le risque que par ce type de recherche les chercheurs deviennent déconnectés du domaine de la pratique. Dans ce cas, la distance peut être interprétée comme un signe de méfiance, voire de condescendance, vis-à-vis de ceux qui s’intéressent à l’amélioration des pratiques, sans considération pour le portrait d’ensemble.

Ces deux positions sont reflétées dans le rôle de théorisation qui incomberait aux chercheurs. Les chercheurs théoriseraient le social, par opposition aux praticiens qui opérationnaliseraient les savoirs produits dans des pratiques. C’est dans cette théorisation que résiderait la distanciation par rapport à l’action, ainsi que l’ouverture d’espaces de réflexivité dans le processus de production et de transfert des connaissances. Ce travail de distanciation en milieu de pratique nécessite l’autonomie des chercheurs vis-à-vis des institutions qui les emploient. Les connaissances produites résulteraient du croisement de différents savoirs fondés, entre autres, sur la littérature scientifique, la compréhension des politiques sociales, le fonctionnement organisationnel et le vécu des personnes faisant l’objet de la recherche. Par rapport à ce «vécu», les chercheurs se présentent comme des professionnels du recueil de la parole, en voulant «croiser les voix» et participer à la construction de paroles afin que ces dernières soient entendues. À cet égard, les chercheurs sont décrits par les autres interviewés comme des personnes ayant le «temps» et les «outils» pour s’investir dans la recherche.

Sur le plan théorique, différents courants sont mobilisés pour saisir les inégalités sociales, comprenant, par exemple, la théorie critique et les approches anti-oppressives et intersectionnelles. Une chercheuse souligne l’importance d’articuler différents cadres théoriques,  l’approche matérielle permettant de saisir les conditions de vie et leurs impacts de la manière la plus objective possible, l’approche psycho-socio-biologique éclairant le vécu des personnes et l’approche intersectionnelle faisant ressortir le rôle combiné des rapports sociaux inégalitaires dans la production des inégalités de santé.

De façon générale, les chercheurs s’intéressent aux processus générateurs d’inégalités sociales et tentent de dégager une compréhension/conceptualisation des rapports sociaux inégalitaires vécus par les personnes et de la manière dont ces rapports affectent leur santé et bien-être. Cette explication va du social vers la santé – on parle du «social qui tue »– par opposition à l’approche de certains praticiens qui «découvrent» le social dans le corps.

Concrètement, plusieurs chercheurs définissent les inégalités sociales comme un écart (et non un état) résultant de rapports sociaux hiérarchiques qui restreignent l’accès aux ressources matérielles et aux soins de santé, ce qui se traduit notamment par des écarts dans les conditions de santé. Ils font part d’une réflexion sur les discriminations intentionnelles et systémiques, sur les politiques publiques ainsi que sur les représentations et préjugés qui alimentent ou maintiennent les rapports sociaux inégalitaires. Une personne donne l’exemple de l’Amérique du Nord où le pourcentage de personnes associant paresse et pauvreté est deux fois plus élevé qu’en Scandinavie. Ce préjugé peut alimenter l’inaction à l‘égard des personnes vivant en situation de pauvreté et justifier leur situation.

Plusieurs mentionnent la dimension politique de la recherche. Certains chercheurs, essentiellement ceux œuvrant en sciences sociales, mentionnent l’importance de l’engagement, des croyances, des valeurs sous-jacentes à partager en matière de compréhension des inégalités sociales. Il s’agit de voir ces dernières non pas comme le résultat de déficits ou de responsabilités individuelles, mais comme les conséquences de rapports sociaux inégalitaires sur lesquels il est possible d’agir. Pour certains, cet engagement relèverait d’une posture citoyenne. Pour d’autres, elle s’inscrit dans le rôle même des chercheurs, voire dans les épistémologies mobilisées.

Continuum

Certains intervenants rencontrés reconnaissent le manque de connaissance qu’ils ont des personnes en face d’eux, concernant, par exemple, leurs aspirations et leurs trajectoires de vie, ce qui soulève des questions quant aux pratiques à développer pour les aider. La nécessité de bien les connaître, grâce, par exemple, à des portraits populationnels est soulignée notamment par les gestionnaires comme un élément préalable à la mise en place de services adaptés aux particularités de certains groupes. Un chercheur suggère que le travail de recherche vise précisément à aller chercher, comprendre et faire connaître l’expérience des personnes.  Lorsqu’elles sont décrites dans les entretiens, les populations apparaissent le plus souvent sous la forme de groupes marginalisés – par exemple, des personnes sans-abri, vivant avec une déficience intellectuelle, ou des femmes immigrantes vivant avec le VIH/SIDA. Dans ces cas, les interviewés décrivent les rapports sociaux inégalitaires qui façonnent leur accès (ou non-accès) aux services de santé et leurs problèmes de santé.

Ces populations vivraient dans des milieux difficiles à pénétrer pour les intervenants, où la relation de confiance est parfois longue à développer, notamment en raison d’expériences négatives vécues au sein de leur réseau antérieur. Au-delà de la perception de leurs «manques», ces populations sont également caractérisées comme ayant des forces, une vie et des ressources en dehors du réseau de la santé et des services sociaux. Des praticiens établissent une différence dans leur pratique entre les personnes très marginalisées et celles qui ont plus de ressources, tout en faisant face à des rapports sociaux inégalitaires moins violents et plus subtils. D’autres encore évoquent le groupe des pauvres (appelés «pauvres ordinaires» par un des interviewés) qui se situerait entre la classe moyenne (plus aisée) et les personnes les plus pauvres.

L’analyse de ces entrevues suggère que le regard et l’action sur les inégalités sociales reposent sur le positionnement des acteurs – à titre d’intervenant, de gestionnaire ou de chercheur – dans le continuum de l’action sur les inégalités sociales, bien plus que sur le fait qu’ils appartiennent au champ du social ou de la santé. Les trois groupes soulignent le besoin d’espaces de réflexion sur les pratiques collectives d’intervention, le besoin d’espaces pour questionner leurs pratiques et la pertinence de celles-ci, le besoin de lieux de rencontres entre la santé et le social et le besoin de réfléchir au transfert, vers les services généraux de première ligne, de l’expertise développée au sein des services spécifiques.

Notes

1. Nous avons rencontré quatre médecins omnipraticiens, un psychoéducateur, une travailleuse sociale et un spécialiste en activités cliniques auprès de populations variées (itinérance, déficience intellectuelle, toxicomanie, santé mentale). Les gestionnaires rencontrés proviennent des programmes suivants : direction des soins infirmiers, services à la communauté et santé publique, direction générale, équipe scolaire, direction des programmes spécifiques. Les chercheurs interviewés proviennent des disciplines suivantes : anthropologie, médecine, sexologie, sociologie, soins infirmiers, travail social.